MAN-MADE, voici le titre emprunté à la revue Life, qui s’exprimait en ces termes au sujet du photographe Andréas Feininger “who goes to work to make his own landscape”*. Je reviens souvent vers ce texte, et plus précisément vers cette phrase qui résume selon moi le travail du faiseur. Ce qui m’intéresse c’est la création d’une image de chevet, une manipulation qu’on se donne, peut-être pour se rassurer (et je pense par exemple à la toile de Jean-Michel Basquiat intitulée Gri-Gri). L’image créée, la forme mise au monde devient un talisman, avec une aura protectrice (in)faillible.
MAN-MADE se base donc sur l’intervention, quelle que soit la forme retenue. Ou peut-être, pour être plus précis, sur le passage décisif de l’observation à l’intervention. La mesure de MAN-MADE, c’est ce passage. Ce passage à l’acte prend forme avec les masses fragmentées mais néanmoins recomposées de Marion Verboom, qui, vigies organiques, se positionnent dans l’horizon et créent un dialogue avec la peinture Elzevir faite de lignes parasitées masquant les points de fuite. Raphaël Barontini intervient dans cet espace via des mirages solides, vues hallucinées, demi-rêvées qui strient la rétine. Les peintures de Mireille Blanc, constellation triviale, se placent dans la trajectoire en tant que réminiscences du quotidien, breloques et fétiches collectionnés. Dans cette perspective, Constance Nouvel prend possession des leurres de notre quotidien, les cisaille et fait ployer son support. Non loin, Chloé Dugit-Gros construit une amulette géante, objet de confiance, le bien-nommé Talisman. C’est Catalina Niculescu qui clôt ce vagabondage et offre au voyageur un repère, une aide : le Modulor, outil précieux mis au point par Le Corbusier.
Tous ces artistes prennent à bras le corps les constats, les sélectionnent et les tordent pour les faire entrer dans leur schéma, parti pris d’une mainmise sur le tangible. MAN-MADE est un horizon double, né de la solidité de l’objet ou de la vapeur des songes. Ou l’inverse.
Eva Nielsen